NSD RADIO

LE DIRECT

En ce moment

Titre

Artiste

Emission en cours

EBNE SHOW

18:00 20:00

Background

Hommage à Roy Ayers

Écrit par sur 5 avril 2025

Le 4 mars 2025, le vibraphoniste et compositeur américain Roy Ayers disparaissait à l’âge de 84 ans. S’il rencontra la notoriété grâce à l’album Everybody loves the sunshine en 1976, il serait injuste de réduire sa scintillante épopée à ce marqueur discographique historique. Ce brillant instrumentiste a su jouer avec les ornementations stylistiques de son temps. Du Jazz au Hip Hop, rien de l’intimidait ! Son cheminement artistique a accompagné les soubresauts musicaux de nos XXè et XXIè siècles.

Au fil de nos conversations avec cet homme affable, nous avions perçu son attachement à la source africaine de son univers sonore. Il le reconnaissait humblement, son aventure musicale sur les terres de son frère nigérian Fela Anikulapo Kuti fut, pour lui, un véritable choc culturel et un pèlerinage gravé dans sa mémoire. Chaque fois que l’occasion se présentait, il narrait avec force détails cette immersion afrobeat historique qui donna lieu à un album Music of Many Colors paru en 1980. « Ce disque est important pour moi car il m’a donné l’opportunité de me confronter à un musicien africain. C’était une première pour moi. De plus, côtoyer Fela a été l’occasion de découvrir un créateur unique et un penseur libre. J’ai adoré collaborer avec lui. Je me souviendrai longtemps du jour où il m’a présenté sur scène en déclarant : « Roy Ayers est l’un de nos frères aux États-Unis mais il sait reconnaître les peuples d’Afrique ». Sur le coup, cela m’a fait énormément plaisir ». (Roy Ayers au micro de Joe Farmer – Marseille, 29 juillet 2017)

Si cet enregistrement et ce périple africain ont longtemps occupé l’esprit du regretté Roy Ayers, sachons apprécier les autres épisodes marquants de sa destinée. Il y a 50 ans, ce virtuose flamboyant commençait à sérieusement gagner en notoriété grâce à une tonalité afro-funk qui convenait parfaitement à cette époque d’abandon psychédélico-positive et revendicatrice. Après les années de lutte pour les droits civiques, après le mouvement « Peace & Love », l’humeur devait être citoyenne, engagée et pleine d’espoir, pour perpétuer l’intention rebelle des aînés qui, petit à petit, s’évanouissait dans une désillusion fort compréhensible. Roy Ayers était alors l’un des artisans de cette musicalité portée par un message d’universalité retrouvée et ses œuvres reflétaient cette aspiration à la tolérance et à l’entente cordiale.

Les expérimentations groove post-hippies agitaient la créativité de nombreux instrumentistes. Roy Ayers traficotait avec les synthétiseurs et autres outils technologiques dernier cri pour concevoir un nouveau paysage sonore. C’est donc dans cet univers à la lisière du disco balbutiant et du jazz renaissant qu’il exprimera tout son génie. Il faut dire que ce maestro du vibraphone n’était pas un novice en la matière puisque, dès 1963, il faisait déjà paraître un premier album enraciné dans le swing des pionniers. C’est en écoutant son mentor, le légendaire Lionel Hampton que Roy Ayers eut l’envie irrépressible de jouer de cet instrument hérité du balafon ouest-africain. Son talent indéniable lui ouvrira rapidement les portes de la gloire. On le verra aux côtés du flûtiste, Herbie Mann, on l’appréciera sur la bande originale du film « Coffy », l’un des classiques de la Blaxploitation, mais on le célébrera surtout avec son groupe « Ubiquity » qui inscrira quelques albums essentiels dans le patrimoine africain-américain. C’est principalement dans les années 70 que Roy Ayers séduira un public friand de jazz-funk fondeur. À cette époque, la communauté noire se cherchait et tentait de trouver dans la musique une part de son histoire ancestrale.

L’un des derniers enregistrements de Roy Ayers remonte à 2020. Il avait accepté, à 80 ans, de se confronter aux élucubrations mélodieusement cadencées de deux trublions, le producteur Adrian Younge et le DJ, rappeur, bassiste, Ali Shaheed, Muhammad, également pilier du groupe « A Tribe Called Quest ». Cette association hétéroclite n’était finalement pas si surprenante car, de longue date, Roy Ayers se plaisait à jouer avec les évolutions et révolutions stylistiques. Il fut, notamment, l’invité du rappeur Guru en 1993 sur l’album Jazzmatazz Vol 1. Roy Ayers a eu une vie pleine de réjouissances et de rebondissements inattendus. Nous l’avions vu vieillir, se perdre dans ses souvenirs, mais il avait gardé son œil rieur au fil des décennies.

« J’ai connu tous les géants du jazz, Max Roach, Charles Mingus, Miles Davis. Ces gens-là réfléchissaient véritablement à leur statut d’artiste. Fela Kuti fait partie de cette trempe de musiciens. J’allais oublier Lionel Hampton. Lui aussi était un grand personnage. C’est d’ailleurs lui qui m’a donné mon tout premier vibraphone alors que je n’avais que cinq ans. Mon Dieu ! J’ai croisé tellement de belles personnes durant mon existence. Malheureusement, je commence à avoir des trous de mémoire. Je commence à avoir des absences. Mais, que voulez-vous, c’est le lot de toutes les personnes qui prennent de l’âge. J’essaye seulement de poursuivre ma vie et de transmettre de l’amour aux gens ». (Roy Ayers en juillet 2017 sur RFI)

Le site de Roy Ayers.


Les opinions du lecteur

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *