Le Trio Soba revitalise la source africaine du blues
Écrit par Eitel Basile Ngangue Ebelle | E.B.N.E sur 26 octobre 2024
De longue date, les échanges transatlantiques entre musiciens africains et américains ont nourri l’histoire du blues. Dans le passé, Ry Cooder et Ali Farka Touré, Eric Bibb et Habib Koité, Taj Mahal et Bassekou Kouyaté, Mighty Mo Rodgers et Baba Sissoko, ont appris à dialoguer et ont suscité un esprit de partage et de tolérance. Le Trio Soba épouse, à son tour, cet élan de générosité collégiale à travers un album vibrant intitulé Fiman.
Moussa Koita (guitare), Vincent Bucher (harmonica) et Émile Biayenda (percussions) ont, tous trois, une identité culturelle spécifique mais ils partagent une vision commune du blues. Ils savent que cette forme d’expression née aux États-Unis prend sa source sur le continent africain. La traite négrière a projeté, au fil des siècles, des coutumes, des rythmes, des traditions, des danses jusqu’aux Amériques. Ce pont transatlantique invisible a permis, souvent dans la douleur, de maintenir un lien intercontinental que le blues préserve et perpétue. L’histoire de Soba s’inscrit dans cette longue évolution stylistique mais se distingue par ses protagonistes. Si ces trois brillants instrumentistes jouent le blues avec ferveur, ce n’est pas seulement la légende américaine qui les anime mais leurs échanges complices sur scène et hors de scène.
Que l’on soit Burkinabè, Français ou Congolais, le partage et l’enthousiasme permettent toutes les audaces. C’est ce qu’ont rapidement compris nos trois virtuoses qui ne relisent pas l’épopée américaine du blues mais inventent un autre récit proche de leur quotidien, de leur réalité, de leur présent. Chaque titre de l’album Fiman évoque les enjeux de notre XXIè siècle. Il peut arriver que certains sujets évoqués rejoignent les préoccupations des anciens bluesmen africains-américains mais, au-delà de l’humeur musicale, l’intention narrative est tout autre. Le trio Soba parle des défis d’aujourd’hui : la solidarité, la voix du peuple, les inégalités sociales, l’exil, l’espoir d’une maison commune.
Le parcours artistique et très éclectique de ces trois compagnons de route n’interdit pas une écoute sincère et un respect mutuel. Leurs chemins ont fini par se croiser et leur entente cordiale a suscité un projet lumineux nourri par une camaraderie indiscutable. La tradition orale des griots africains résiste ainsi à l’érosion du temps. Qu’ils se racontent à Paris, Memphis, Ouagadougou ou Brazzaville, nos trois compères portent une parole utile en ces temps de confrontation stérile, de défiance systémique et d’invectives absurdes. Ne soyons pas sourds à ce message unitaire si mélodieusement servi par les mots et les notes du blues africain ancestral.
Rendez-vous le 13 novembre au Studio de l’Ermitage à Paris et le 17 novembre 2024 au festival « Blues Maron » sur l’île de La Réunion pour acclamer le pertinent répertoire du trio Soba.