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L’intemporel Duke Ellington

Écrit par sur 24 juillet 2024

Le 24 mai 1974, il y a 50 ans, disparaissait l’un des plus importants compositeurs afro-américains du XXè siècle. Duke Ellington avait insufflé une exigence artistique unique qui hissa la communauté noire au sommet de la respectabilité à une époque où l’inégalité était tristement la norme. Le 11 mai 2024, le festival « Jazz sous les Pommiers » présentait à Coutances en Normandie, le « Future of Jazz Big Band ». Cette vivifiante formation célébrait alors l’entente franco-américaine, à l’approche du 80è anniversaire du Débarquement, en proposant un programme entièrement consacré au répertoire du célèbre pianiste et chef d’orchestre. Nos micros ont capté cet événement de taille.

2024 est l’année « Duke Ellington ». Cette grande figure de « L’épopée des Musiques Noires » vit le jour en 1899, il y a 125 ans, et continue de susciter un engouement certain, auprès de tous les amateurs de swing trépidant, un demi-siècle après sa mort. Au-delà de la musicalité intemporelle de son œuvre, c’est le discours universaliste de cette icône incontestable qui fascine toujours aujourd’hui. Bien que son quotidien fut celui d’un homme noir dans une Amérique raciste, son propos et son attitude restèrent constamment dignes et intègres. C’est d’ailleurs ainsi que ses héritiers perçoivent son legs moral et artistique.

Joe Block fait partie de ces farouches défenseurs du patrimoine Ellingtonien. À 25 ans, il peut s’enorgueillir de connaître sur le bout des doigts les compositions de son illustre aîné. À la tête du « Future of Jazz Big Band », initié par le Lincoln Center de New York, il promeut la diplomatie musicale de son maître en dirigeant des musiciens rompus à l’art de l’improvisation libre et inspirée. « La musique de Duke Ellington reflète la vie, notre humanité, l’amour que nous avons en chacun de nous, la culture afro-américaine, c’est tout cela Duke Ellington. C’est une musique qui swingue, qui groove, que l’on peut fredonner, qui a une qualité rythmique irrésistible, qui laisse beaucoup d’espace aux musiciens pour s’exprimer, ce n’est pas une musique complexe, les couleurs sonores sont bien distinctes comme si vous regardiez un tableau. Et, surtout, il y avait au sein de son orchestre de véritables personnalités qui ont su imprimer leur individualité. Duke Ellington composait sa musique en pensant aux musiciens qui allaient l’interpréter. Il imaginait tel ou tel soliste pour telle ou telle composition. Il cherchait le son ultime pour chacune de ses mélodies. C’est ce que j’appellerais « les couleurs » de son orchestre. Il y avait toujours une texture sonore identifiable créée par les solistes qu’il mettait en avant ». (Joe Block au micro de Joe Farmer)

La rencontre de jeunes musiciens français et américains à Coutances en Normandie avait une valeur symbolique indéniable mais donnait aussi du crédit au message humaniste porté par le regretté Duke Ellington. Sa musique devait susciter la concorde entre les citoyens du monde. Elle devait unir plutôt que diviser. Elle devait encourager l’écoute, l’échange et le partage. C’est ce que les festivaliers ont pu constater en applaudissant chaleureusement ces 15 musiciens d’origines diverses unis par un langage commun, le swing ! Domo Branch, le batteur de l’orchestre, avait d’ailleurs la lourde responsabilité d’imprimer ce tempo irrésistible lors de ce concert empreint d’une vigoureuse nostalgie. « Son répertoire a été joué à des périodes tragiques de l’histoire internationale. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la population trouvait du réconfort en écoutant sa musique. Elle vous faisait danser. Elle invitait à la romance. Duke Ellington provoquait toutes ces sensations à travers sa musique, comme Thad Jones, Count Basie, Benny Goodman ou Woody Herman. Tous ces gens voulaient créer l’unité entre les peuples de la planète. Comme l’a dit notre chef d’orchestre Joe Block, la musique de Duke Ellington n’est pas seulement le reflet d’une époque, c’est d’abord une intention universaliste. Je le répète, ce répertoire-là est, certes, la bande-son des années de guerre mais il est parvenu à transcender ce drame planétaire et s’adresse à tout le monde aujourd’hui. Je n’étais pas né à cette époque mais j’imagine aisément mes aïeux danser sur cette musique vivifiante et réconfortante. Ce devait être la même chose en France… Alors oui, les compositions de Duke Ellington étaient un écho de la situation des Noirs aux États-Unis mais elles étaient aussi destinées à rassembler plutôt qu’à diviser. De toute façon, où que nous soyons sur cette terre, nous traversons des moments difficiles et la musique de Duke Ellington est là pour apaiser nos consciences. Je pense que le jazz fait appel à notre spiritualité. Cette unité que le jazz provoque entre les peuples provient justement de cette spiritualité. Le jazz appelle à la paix au niveau international. Il guérit nos maux. Après une longue journée, il peut vous arriver d’être exténué mais, si vous faites l’effort de venir assister à un concert de jazz, vous retrouverez instantanément l’énergie qu’il vous manque. Et peut-être vous ferez-vous de nouveaux amis sur place ? » (Domo Branch sur RFI).

Duke Ellington nous a quittés, il y a 50 ans, mais son message a résisté à l’érosion du temps. Sa majestueuse discographie est un enseignement musical d’envergure. L’album Far East Suite, par exemple, est une belle illustration de cette ouverture d’esprit qui inspire toujours aujourd’hui les âmes sensibles.

Jazz sous les Pommiers : Hommage à Duke Ellington.


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