Le clin d’œil complice de José Privat et Gregory Privat
Written by jean-josé Caddy on 24 juillet 2024
Le pianiste José Privat, pilier du groupe Malavoi, a fait paraître en avril 2024 un album lumineux qui le réconcilie avec son instrument de prédilection, l’orgue Hammond B3. Entouré de la fine fleur du jazz caribéen, notamment son fils Gregory, le virtuose martiniquais dévoile Clin d’œil, un disque malicieux qui réinvente le swing antillais avec goût et sensibilité. Gregory Privat et José Privat sont nos invités pour une conversation familiale portée par la transmission du patrimoine.
L’expérience et l’audace sont souvent les marqueurs d’une maturité incontestable. José Privat s’est joyeusement laissé bousculer par la fraîcheur et la ferveur de virtuoses antillais dont les noms redessinent les contours de notre paysage musical actuel. Ralph Lavital (guitare), Elvin Bironien (basse) et Tilo Bertholo (batterie) sont des instrumentistes de grand talent qui virevoltent avec grâce sur les compositions de leur illustre aîné. Tricia Evy, chanteuse émérite, dépose également sa délicatesse harmonique sur un titre fort mélodieux (Toujou la) de cet album attachant.
Gregory Privat tient évidemment un rôle prépondérant. Outre son lien filial, il veille à la bonne tenue de cette production d’envergure en assurant la direction artistique et en s’autorisant quelques interventions senties aux côtés de son père. Couronné, en 2024, d’un prix Django Reinhardt décerné par l’Académie du jazz pour son propre album, Phœnix, Gregory Privat est un pianiste inventif, toujours à l’affût de nouveautés. Entendre ce dialogue familial mérite nos deux oreilles. Leur swing est peut-être différent mais la fusion de leur idiome respectif fait mouche. Les acclamations du public sauront certainement savourer cette myriade de notes choisies.
Certes, les échos de Jimmy Smith, de Wild Bill Davis ou de Bill Doggett teintent notre écoute d’une douce nostalgie mais ils n’altèrent pourtant pas la modernité de cette musique jubilatoire. Ces quelques références inscrivent simplement José Privat dans la tradition des grands organistes de notre temps. Il est d’ailleurs naturel de découvrir une allusion au regretté Eddy Louiss, maître incontesté de l’orgue Hammond disparu en 2015, auquel José Privat fait un clin d’œil sur le titre « Hello Louiss ». Après un demi-siècle de musique, José Privat doit, de toutes façons, assumer l’impérieuse nécessité de perpétuer l’identité caribéenne en exposant un répertoire et une tonalité spécifique au plus grand nombre. S’agit-il d’une revendication ? C’est en tout cas un engagement.
Le 18 mai 2024, le Sunset-Sunside scintillera de mille couleurs quand José Privat et ses musiciens fouleront cette scène parisienne historique pour délivrer un message multiculturel pertinent, comme un clin d’œil à notre désir de concorde nationale.
► José Privat Quartet & special guest Gregory Privat au Sunset-Sunside.